Aujourd'hui, j'ai eu la chance de faire l'ascension du Pic Aneto en compagnie de Louise Anderson, Masazumi Honda et Takuya Okuda, en marge du workshop auquel nous participons à Benasque. Départ à 5h15 de Benasque dans la Punto, avec l'équipement de rigueur, bâtons, piolet et crampons. Nous arrivons peu avant 6h sur le parking de la Besurta, et à 6h tapantes, nous sommes en marche !

Le sentier serpente doucement en direction du refuge de la Recluse, que nous atteignons à peu près en même temps que le lever du Soleil.

Faisant notre mieux pour distancer un groupe conséquent de randonneurs, nous forçons l'allure alors que le chemin se fait plus escarpé, et n'est par ailleurs pas très bien indiqué -- nous nous en sortons grâce à la carte, dûment achetée la veille par Takuya. Bientôt, les premières langues du glacier font leur apparition, et il faut chausser les crampons.

S'en suit une ascension relativement aisée sur une neige ramollie par la chaleur des jours précédents. Il faut cependant prendre garde à ne pas manquer une brèche sur la gauche (appelée "portillon"), qui nous permettra de changer de versant et d'attaquer les pentes de l'Aneto lui-même, qui pour le moment reste invisible. Il est tout de même assez grisant de faire remarquer que quel que soit le sommet que nous avons dans notre champ de vision, nous le dépasserons dans quelques heures ! Après un petit cafouillage pas bien méchant et un point topo salvateur, nous trouvons enfin le portillon.

C'est alors une longue traversée du glacier qui nous attend, avec assez peu de dénivelée mais le risque, difficilement évaluable pour le néophyte, de chute et de glissade, qu'il faudra le cas échéant interrompre à l'aide du piolet. Vers midi s'annonce enfin l'ultime tronçon de glacier, en forte pente. La température baisse violemment, le vent de lève, il ne fait pas bon rester immobile.

Enfin, le sommet est en vue. Mais encore faut-il franchir le "pont de Mahomet". Si j'en crois wikipedia, ce nom provient d'une légende musulmane selon laquelle l'entrée du paradis est aussi étroite que le fil d'un cimeterre, et qu'ainsi seuls les justes sont capables de la franchir. Ici, si le passage est sans doute plus large que le dit fil, et ne présente pas de grande difficulté technique (surtout dans les conditions idéales d'aujourd'hui), il est vrai que les précipices de chaque côté sont vertigineux. Ma photo ci-dessous ne lui rend pas vraiment justice, aussi j'ai inséré une vidéo prise sur Youtube, qui n'est pas de moi, mais qui donne une bien meilleure idée de cette traversée finale.

Et voilà, nous sommes au sommet ! La vue est imprenable, du haut de ces 3404 mètres. J'ai même fait un selfie (peut-être mon premier ?).

Il est maintenant temps de redescendre. Le glacier présente maintenant plutôt l'aspect d'une vaste piste de luge, et la chaleur accélère la fonte. Nous croisons alors Martin Schnabl, qui nous recommande vivement d'abandonner pics et crampons, et de se laisser glisser, en tentant de rester debout ou plus simplement assis ou allongé. Nous nous empressons évidemment de suivre les conseils d'un montagnard aussi éminent, et nous nous en félicitons, en dépit de quelques frayeurs.

Sous le glacier coulent de véritables torrents, que l'on peut considérer comme les sources de la Garonne. En effet, ces torrents de l'Aneto, bien que dévalant les pentes d'un massif situé intégralement en Espagne, de l'autre côté de la ligne de crête séparant ce pays de la France, s'engouffrent après une majestueuse cascade dans une cavité et poursuivent leur route sous la terre, pour rejaillir sur l'autre versant (paradoxalement, toujours en Espagne !).